Le CAF en (très) bref
Le CAF (Cadre d’auto-évaluation des fonctions publiques) , résultat d’une réflexion menée entre les ministres des pays de l’Union européenne responsables de l’administration publique, est un outil diagnostique basé sur un cadre d’auto-évaluation analogue au Modèle EFQM d’Excellence (voir figure1). Il est spécialement conçu pour toutes les organisations du secteur public. Actuellement (mars 2012), plus de 2500 administrations, services, laboratoires, départements se sont identifiés auprès de l’EIPA (European Institute of Public Administration) comme des utilisateurs de l’outil.
Figure 1 : le modèle CAF
Pourquoi un label CAF ?
Il faut bien admettre qu’il n’a pas été facile de faire avancer la réflexion sur la possibilité de créer un système permettant simplement d’identifier la démarche de l’organisation. La résistance a été importante face à la création de ce qui était perçu comme un « détournement » des objectifs du CAF : La résistance portait surtout sur le fait que ce système représenterait un risque de polluer l’image d’outil « public, européen et gratuit » qui caractérisait le CAF et de le faire entrer dans une spirale trop proche des objectifs du secteur marchand (DEFOIN 2011). Pourtant, si, désormais, plus personne n'ignore ce que signifie pour l'utilisateur une certification ISO, il s’en faut de beaucoup qu’un interlocuteur, même relativement averti, puisse être aussi précis à propos d’une administration ou d’une institution d’enseignement supérieur qui s’auto-évalue par le CAF ! L’organisation/institution utilisatrice, quant à elle, aspirait à voir sa démarche reconnue, visible, identifiable et souhaitait pouvoir mettre en avant les valeurs qui l’avaient poussée à décider de s’évaluer par le CAF.
Sous condition de rappeler que l’obtention de la validation n’est pas la fin en soit d’un exercice d’auto-évaluation par le CAF, le choix s’est finalement porté sur un label, pris dans son sens premier d’ « étiquette » qui garantit les caractéristiques d’un produit. L’octroi de ce label est le résultat d’un feed-back externe donné à l’organisation/institution par les « acteurs du feed-back externe » identifiés par le sigle anglais EFAc (External Feed-back Actors).
Les objectifs annoncés de la procédure de labellisation CAF sont présentés de la façon suivante (CORRESPONDANTS CAF 2010) :
- 1. contribuer à la qualité de l’application du CAF et à son impact sur l’organisation ;
- 2. établir si l’organisation a mis en place les valeurs du Management par la qualité totale consécutivement à l’application du CAF;
- 3. entretenir et renouveler l’engouement suscité dans l’organisation par le processus d’amélioration continue;
- 4. favoriser l’évaluation par les pairs (peer review) et l’apprentissage par l’échange d’expériences (benchlearning);
- 5. récompenser les organisations cheminant déjà efficacement sur la voie de l’amélioration continue et de l’excellence, sans juger du niveau qu’elles ont atteint;
- 6. faciliter la participation des utilisateurs du CAF aux niveaux d’excellence.
Le label ECU (Efficent CAF User) est octroyé pour deux ans et son attribution est gratuite. Il porte avant tout sur le respect de la méthodologie au cours de l’exercice d’auto-évaluation par le CAF. L’objectif n’est donc pas d’évaluer les résultats réels des activités d’amélioration et la qualité de ces dernières, mais d’évaluer si l’auto-évaluation a changé les valeurs fondamentales relatives au développement de la qualité au sein de l’organisation. (CORRESPONDANTS CAF 2010)
La procédure de labellisation ECU
Pour pouvoir introduire une demande de labellisation ECU, une organisation/institution devra d’abord impérativement s’inscrire en tant qu’« utilisateur CAF» dans la banque de données de l’EIPA accessible sur son site. Ensuite, elle devra, évidemment, faire l’exercice d’auto-évaluation par le CAF et, entre six et douze après avoir rendu public et démarré son plan d’amélioration, elle pourra, si elle le souhaite, faire la demande de feed-back externe qui n’est donc pas automatique. Il a été décidé que la mise en œuvre de la labellisation CAF relèverait de la compétence respective des Etats membres qui désignent un «organisateur national CAF » (généralement le correspondant CAF national) lequel recevra les demandes des organisations/institutions. C’est lui aussi qui désignera, parmi une réserve nationale ou européenne, les EFAc qui seront chargé de faire la visite de feed-back externe et de produire un rapport sur l’état d’avancement de l’exercice.
Les critères d’évaluation utilisés pour attribuer ou non le label ECU sont structurés autour de trois « piliers ».
Le premier pilier
Le premier pilier couvre les deux premières phases du processus et évalue surtout ce qui concerne la mise en œuvre de l’exercice d’auto-évaluation par le CAF comme le montre le tableau ci-dessous :
Phase 1 : Démarrer et préparer
Etape 1= décider de démarrer le CAF
Etape 2 = communiquer et mettre en place un plan de communication
Phase 2 : Processus d’auto-évaluation
Etape 3 = constituer un groupe CAF
Etape 4 = former / préparer
Etape 5 = réaliser l’auto-évaluation
Etape 6 = rédiger le rapport d’auto-évaluation
Le deuxième pilier
Le deuxième pilier porte sur la phase 3, c'est-à-dire la mise en place du plan d’actions correctrices et de son suivi :
Phase 3 : Priorisation et amélioration
Etape 7= prioriser les actions à mettre en œuvre et organiser un plan d'amélioration
Etape 8 = diffuser le plan d'amélioration et décider d'un plan de suivi
Etape 9 = mettre en œuvre
Chacune des neuf étapes des trois phases des deux premiers piliers se verront attribuer un score selon l’échelle suivante :
- Les activités ont été menées à bonne fin de manière très limitée 1
- Les activités ont été menées à bonne fin de manière limitée 2
- Les activités ont été menées à bonne fin de manière acceptable 3
- Les activités ont été menées à bonne fin de manière satisfaisante 4
- Les activités ont été menées à bonne fin de manière remarquable 5
Le troisième pilier
Un troisième pilier indiquera, quant à lui, le niveau de maturité atteint par l’organisation/institution en matière de Management par la Qualité Totale, en s’appuyant sur les huit concepts fondamentaux d’excellence généralement représentés de la façon suivante :
Figure 2 : les principes d'excellence
Le niveau de maturité atteint dans chaque étape se verra attribuer un score selon l’échelle suivante :
- Le niveau de lancement n’a pas été atteint O
- Niveau de lancement L
- Niveau de réalisation R
- Niveau de maturité M
L’évaluation générale obtenue se devra d’indiquer la mesure dans laquelle l’organisation est parvenue à mettre en œuvre des valeurs globales de développement de la qualité par le biais de l’auto-évaluation et du processus d’amélioration. (CORRESPONDANTS CAF 2010).
De l’importance du feed-back externe
La notion de feed-back est vraiment centrale dans la démarche de labellisation ECU. Il suffit pour s’en convaincre de revenir sur le quatrième objectif annoncé (voir ci-dessus) :
4. favoriser l’évaluation par les pairs (peer review) et l’apprentissage par l’échange d’expériences (benchlearning);
Si, pour les organisations/institutions, l’obtention NE PEUT PAS être envisagée comme une fin en soi, le processus de labellisation n’est pas non plus à envisager comme un audit mais plutôt comme un accompagnement sur le chemin de l’amélioration. Par ailleurs, la notion de benchlearning (échange d’apprentissages, d’expériences et de bonnes pratiques), si chère à la démarche CAF, est tout à fait centrale aussi dans le processus, ne serait-ce que par l’obligation donnée aux organisations/institutions de figurer dans la base de données de l’EIPA dont le but premier est, justement, l’échange de bonnes pratiques.
Conclusion
Visibilité, comparabilité, transférabilité, compétitivité, rentabilité… Ces termes prédominent aujourd’hui dans la gestion des organisation/institutions désormais engagées dans la logique du secteur marchand. Elles ne sont donc pas épargnées par la logique de crise non plus. Mais on peut aussi penser, comme le suggère le philosophe Pierre Rabhi à travers son concept de « sobriété heureuse », que le cœur d’une réponse positive à la crise c’est de se recentrer sur l’essentiel, sur ce qui compte vraiment dans nos vies. Or, le CAF est justement un outil qui place l’analyse entre les mains des membres des personnels, leur permettant ainsi une réelle appropriation de l’organisation/institution, un niveau d’implication élevé et une mise en lumière de ce qui leur importe vraiment dans leurs processus métier.
J’ai le sentiment profond – et je l’ai déjà exprimé ailleurs (DEFOIN 2011) – que l’exercice d’auto-évaluation par l’outil CAF permet à tous les personnels de l’organisation/institution d’intégrer aisément la mise en place, à l’issue de l’exercice, de changements soutenables . Au-delà de cela, le label ECU viendra aussi offrir aux différents acteurs la garantie d’une démarche qualité globale de progrès dégagée du « toujours plus » pour aller vers le « toujours mieux ».
Bibliographie
[1] DOCHOT J.M. et DEFOIN C., «Le Cadre d’auto-évaluation des fonctions publiques (CAF) et l’enseignement supérieur.» Dans Les démarches Qualité dans l’enseignement supérieur en Europe, de HELDENBERGH A. (dir.) et al.,Paris: L’Harmattan, Collection Questions contemporaines, 2007.
[2] www.eipa.nl
[3] CORRESPONDANTS CAF, Feed-back externe sur le CAF, une opportunité pour les utilisateurs du CAF, de l’auto-évaluation au feed-back externe. Maastricht: EIPA, 2010.
[4] DEFOIN C. «Le CAF enseignement-formation, un outil sur mesure pour tous les niveaux d’enseignement.» Dans Pour une culture de l’évaluation, de DEFOIN C. (dir.) et al., Jumet: RIPH Editions, Collection Qualité et enseignement, 2009.
[5] DEFOIN C., «Rendre le changement soutenable au sein d’une institution d’enseignement grâce au label CAF ECU.» Dans Pour une culture du changement, de DEFOIN C.(dir.) et al., Jumet: RIPH Editions, Collection Qualité et enseignement, 2011.
[7] RABHI P., Vers la sobriété heureuse , Paris, Actes Sud, 2010.
[8] GENUIT H., Le développement soutenable, controverse sur la croissance et la décroissance, Rapport de stage dans le cadre du dispositif «génépi Work Expérience», Les Amis de la Terre, 2008