Aujourd’hui, derrière bon nombre de « concepts » apparaissent les suffixes 1.0 et 2.0, par exemple Web 1.0 et Web 2.0, Economie 1.0 et Economie 2.0. Aux Pays-Bas, il existe déjà actuellement un mouvement nommé Society 3.0. D’après moi, il existe également des RSE (Responsabilité sociale des entreprises – ou durable) 1.0 et RSE 2.0.
Par Franky De Cooman, Art Decoo bvba
RSE 1.0
RSE 1.0 couvre selon moi, le côté pur et dur de la RSE:
- Des rapports sur la durabilité (en tout cas, selon la Global Reporting Initiative)
- ISO 26000
- Le travail à la chaîne
- Le Green Marketing (méfiez-vous des Greenwashing!)
- Les réunions de parties prenantes
- La politique d’approvisionnement durable
- Les mesures d'économie d'énergie
- ...
Toutes choses nécessaires pour montrer que vous n'êtes pas seulement concerné par le profit, mais également par les personnes et la planète. Il n’y a pas de mal : ce sont des choses nécessaires pour donner une orientation positive au monde, pour donner un nouvel élan. Je pourrais résumer cela avec « It ain’t what you do, it’s the way that you do it » de la chanson de Bananarama & Fun Boy Three. («Ce n'est pas ce que vous faites, c'est la façon dont vous le faites»)
C'est un bon point de départ vers la RSE 2.0, où la durabilité n'est pas une question secondaire, mais est tissée dans l'ADN de l'organisation.
RSE 2.0
Selon ma vision, la RSE 2.0 (ou CSR 2.0) est une combinaison de la co-création, une marche sur la voie « chaordique » avec pour objectif la génération de valeur partagée, le tout nappé d'une grande sauce d’Envie! Evidemment, ceci demande quelques explications
La Co-création
Dans de nombreuses organisations « engagées » dans la RSE, c’est le CEO (avec une petite équipe) qui décide de tout, et les personnes de terrain qui exécutent. Toutefois, si vous pouvez puiser dans l'intelligence collective de l’ensemble de l'organisation (vous co-créez idées et organisation, à partir de tous les niveaux), alors la bonne pensée est vécue et intégrée.
La voie “chaordique”
Comme c’est le CEO qui reste bien entendu le responsable final, c’est lui qui détermine le champ d’action et fixe le périmètre. Pour ce faire, il est bon qu’il y ait une structure, que le cadre soit défini sans être trop strict pour permettre qu’un certain chaos puisse encore régner, car c’est là que vit la créativité. Si vous pouvez trouver le juste équilibre entre le chaos et l'ordre, alors vous empruntez cechemin « chaordique ». Vous pouvez vous placer dans le «non-savoir», et le traiter en toute confiance. C'est comme conduire sur une route cahoteuse: vous pouvez choisir d’avoir une conduite plus serrée en tenant le volant fermement ou le tenir plus librement. Personne ne connaît le chemin du développement durable, ce chemin se tracera de lui-même.
Valeur partagée
Sur cette voie chaordique 1+1 n’est pas = 2 mais 11, à partir de ces savoirs collectifs inexploités vous pouvez essayer de déterminer quel genre de produit vous voulez mettre sur le marché. Un produit à forte valeur ajoutée pour les personnes, la nature et la société, est un produit qui génère de la valeur partagée, sans que l’argent ne soit l’unique référence.
Gagner de l’argent avec un tel produit, il n'y aucun mal à cela. Par ailleurs, une société n'est pas une œuvre de bienfaisance, une entreprise doit faire des profits, ne serait-ce que pour assurer un avenir durable pour ses employés.
L’Envie en tant que moteur
Pourquoi les entreprises pratiquent-elles la RSE 2.0?
Non pas par obligation émanant des autorités, ou sous la pression des clients, mais simplement comme une organisation qui sent qu’elle ne peut faire autrement (bonne chose qu’IS0 26000 n’est pas certifiable!). Pas simplement parce qu'aujourd’hui c’est à la mode, mais parce que vous avez une formidable envie de donner au monde une orientation positive. Pas avec ennui, pas en remuant uniquement le petit doigt (vous pourriez ...) mais avec une attitude positive contagieuse. La RSE n'est pas quelque chose de bien caché dans un petit département solitaire, mais vit dans tout ce que vous faites.
Dans tout cela vous tenez donc compte des «limitations» de la planète, des personnes (et autres créatures) qui l’habitent. Rappelez-vous que ces consommateurs sont aussi des travailleurs qui ne sont pas heureux d’être pressés comme des citrons, ont droit à un travail valorisant, aiment rentrer pleins d’enthousiasme chez eux après une journée de travail agréable.
Chief Empathy Officers
Vous réalisez cette transition de manière durable, en évoluant petit à petit dans cette voie, et non pas en introduisant, d’un coup, un changement drastique. Ceci demande évidemment des dirigeants très forts, pas seulement des gestionnaires. Des leaders qui osent s’engager dans l’«inconnu », mais confiants et aspirant à une envie de mieux & nouveau.
Des leaders qui osent se placer dans la force de leur vulnérabilité : Chief Empathy Officers. En tant qu'organisation, vous avez besoin de beaucoup de souplesse, parce la voie que vous devez emprunter est parsemée d’embûches, et que peu de gens s’y sont engagés. Et si quelqu’un devait avoir déjà parcouru ce chemin, vous devez quand même chercher le vôtre, étant donné que, pour vous, ce sera de toute façon entièrement différent. Essais et erreurs seront au rendez-vous, mais cela en vaut la peine.
Interaction comme clé
Et dans la réalité, comment vous engager dans cette aventure de la RSE?
Pour parvenir une co-création productive, nous avons besoin d’interaction au travail. Interaction avec nous-mêmes, avec les autres, avec la nature, avec les parties prenantes. En cela, le plus difficile est de tenter de redéfinir l’interaction avec nous-même.
"Qui suis-je, où suis-je, qu’est-ce que je trouve important, qu’est-ce qui me donne satisfaction, quelle est l’envie qui me fait sortir du lit le matin?" Une fois l'impulsion donnée, et en tant qu’occidental nous sommes à nouveau en contact avec nos sentiments, nos désirs les plus profonds, alors nous pouvons nous « dé-couvrir ». Ce n'est que lorsque progressivement nous nous sommes restructurés que nous pouvons rencontrer les autres d'une manière plus authentique et que nous pouvons vraiment faire la co-création. Et si nous en sommes capables, alors nous pouvons arriver à signifier quelque chose pour les personnes et la planète.
Que vous optiez en tant qu’entreprise/organisation directement pour la RSE 2.0, ou que vous commenciez avec une politique d’achat durable et le placement d’ampoules économiques, ne revêt aucune importance à mes yeux. Si vous le faites avec authenticité et vécu, si seulement vous savez et êtes ouverts au fait qu’il s’agit du début d’un voyage passionnant, d’une nouvelle grande épopée.