Les KPI comme phares antibrouillard
La définition des KPI répond souvent à la nécessité d’avoir une bonne vision des performances de l’organisation. D’une part il faut des mesures du taux de réalisation des objectifs stratégiques et d’autre part le management a besoin d’une vue objective sur les performances des processus clés. La gestion des KPI conduit à des actions et mesures visant à mieux faire fonctionner l’organisation, et cela fonctionne généralement bien.
Les KPI comme instruments d’évaluation
Dès que le système de suivi a prouvé sa pertinence, il est couplé à l’évaluation du leadership de l’entreprise (concernant les performances au niveau stratégique) et du management opérationnel (pour la performance des processus). Et c’est là que souvent cela déraille. Dès qu’une évaluation (avec ou sans impact financier) est couplée à ces chiffres, commence le petit jeu de la manipulation de la mesure. Celui qui veut accroître ses compétences dans ce jeu trouvera ci-après trois tips permettant de délivrer des performances supérieures concernant les KPI. Dans le jargon des joueurs, ces tips s’appellent de « cheatcodes », ou, plus simplement, « cheats ».
Tips de tricherie pour les meilleurs joueurs de KPI.
1. Limitez le domaine de la mesure
Cette tricherie revêt plusieurs formes
Une méthode facile, mais assez remarquable consiste à ne prendre en compte qu’une partie du processus, et pas le processus en entier, dans la mesure. Le KPI indique la prestation d’une partie du processus pendant que le client en subit l’entièreté. La partie en dehors de la sphère d’influence des managers tombe aussi en dehors de leur responsabilité. Comme ils n’ont pas prise sur cette partie du processus, cela n’est pas pris en compte dans leur évaluation.
Par exemple :
Nous définissons le KPI « 90% des commandes sont expédiées à temps » et non « 90% des clients reçoivent leur commande dans les délais ».Le service de messagerie a perdu quelques jours parce que l’adresse mentionnée pour la livraison était une boîte postale pour la facturation. Ou parce qu’il n’y avait personne chez le client pour réceptionner la livraison (à 7.00 le matin). Cela tombe en dehors de notre responsabilité, donc aussi du KPI. Nous avons expédié la commande à temps.
On peut aussi adapter le domaine de la mesure de manière moins évidente. Prenons l’exemple du KPI « satisfaction du client »
La sélection des clients participant à l’enquête se fait très prudemment. Ainsi, et pour ne pas verser de l’huile sur le feu, nous n’allons pas envoyer d’enquête de satisfaction à des clients qui ont récemment envoyé une lettre de réclamation. Et les clients qui présentent un retard de payement ne sont pas repris dans l’échantillon : ce retard est peut-être dû au mécontentement du client relatif à une livraison. Et parce que l’avis d’un client occasionnel apporte peu d’information, nous limitons l’enquête aux clients qui le sont depuis trois ans et qui ont placé au moins trois commandes.
Autrement dit, nous limitons la mesure de la satisfaction des clients à ceux qui sont suffisamment satisfaits que pour être clients depuis trois ans et le rester.
2. Oubliez le client et le résultat, pensez au KPI
L’avantage d’un objectif SMART est qu’il définit clairement qui doit faire quoi dans quel délai et laisse la liberté du mode de réalisation. Mais le fait de placer le paramètre au centre et de ne pas laisser de place à l’interprétation mène la vie dure au bon sens.
Quelques exemples :
S’il faut effectuer 95% des réparations dans un délai de deux heures après l’appel, pourquoi encore réparer quelque chose qui est déjà en panne depuis trois heures ? Si le KPI ne peut être atteint, laissez tomber.
Si les bagages doivent être sortis de l’avion en vingt minutes maximum, ne démarrez pas la mesure trop tôt. L’équipe de bagagistes fait mieux de commencer lorsque les portes de l’avion sont déjà ouvertes. Le temps d’attente précède le démarrage de la mesure et n’y est pas intégré, même si la durée du processus complet en est allongée et, en conséquence, le temps d’immobilisation de l’avion au sol.
3. Utilisez la ligne du temps de manière créative
La dimension temps associée à un objectif ou d’un KPI donne aussi des opportunités d’aménagement.
Un exemple :
Si un vendeur a un objectif de ventes de 500.000 euros par trimestre, il peut, s’il a atteint son objectif cinq jours avant la fin de la période, faire trainer une semaine la signature de nouveaux bons de commande. Cette adaptation fonctionne aussi lorsque le vendeur se rend compte qu’il ne peut de toute façon pas atteindre son objectif pour le trimestre en cours.
Comment éviter la tricherie sur les KPI ?
Vous pouvez évidemment rechercher des KPI à toute épreuve. Mais la nature humaine et la créativité des personnes est imbattable, et les arguments pour adapter le domaine de mesure ou le calcul des paramètres paraissent logiques. C’est pourquoi il n’y a qu’une bonne solution : dépersonnalisez les KPI.
On peut utiliser des KPI pour améliorer les processus, pas pour évaluer des personnes. Veillez à ce qu’un propriétaire de processus se sente fortement lié au niveau de performance de son processus. N’y couplez pas d’évaluation formelle, car cela rend le paramètre plus important que la réalité. Créez une culture d’entreprise où un indicateur dans le rouge est un signal pour chercher un remède plutôt qu’un coupable.