Depuis toujours, le secteur de la coopération au développement évolue et s'interroge. Quoi de plus normal ?
Mais quand on entend parler toute une assemblée de ses représentants, de « clients » en lieu et place de « groupes cibles » , on se dit qu'une révolution silencieuse a eu lieu ces dernières années. Le management de la qualité est devenu une réalité pour la plupart des acteurs présents à la Conférence Development cooperation & Quality Management qui s'est tenue à Bruxelles le 13 octobre dernier.
La conférence 'Development Cooperation & Quality Management' était une initiative conjointe de l'Agence belge de développement, ACODEV, ngo-federatie, VVOB et Bbest.
"Clients" et "key business stakeholders", la professionnalisation du secteur est une réalité
Autrefois tabous, les mots sont désormais couramment utilisés par une grande partie des ONG et organisations gouvernementales actives dans l'aide internationale. Sur 107 ONG agréées pour recevoir des subsides de l'État belge, 50 sont actuellement engagées dans une démarche d'excellence , selon le modèle EFQM (témoignages d'ACODEV, de Ngo-federatie et de Bbest). Ce modèle préconise l'amélioration continue pour de meilleurs résultats et propose une solution qui s'adapte aux spécificités d'organisations actives dans le domaine du changement social.
La qualité, mais pour qui et pour quoi ?
Les organisations qui se lancent dans un trajet d'amélioration continue le font souvent au départ, pour une raison externe, un donateur qui exige des garanties de bonne gestion, par exemple. L'idée sous-jacente est que si tout le secteur se professionnalise, la confiance et le soutien de l'opinion publique pour la coopération au développement suivront. Mais les organisations découvrent ensuite que cette « obligation externe » a aussi des effets bénéfiques en interne, avec leurs propres clients : la gestion de la qualité apporte un cadre de réflexion, des pistes d'amélioration, avec à la clef, de meilleurs résultats. Transparence et redevabilité riment alors avec apprentissage.
Nord ou Sud, une même démarche pour de meilleurs résultats de développement
Un des points forts de la conférence, qui a rassemblé plus de 200 participants, a été de donner la parole à un grand nombre d'acteurs venus témoigner de leur expérience en Belgique, au Rwanda (témoignages de Judith Katabarwa et d'Anne-Marie Schreven, NCBS et CTB) ou encore au Zimbabwe (Mqaphelisi Sibanda et Eric Vanderwegen VVOB). Des panels de représentants du monde académique, privé, institutionnel ont permis d'élargir le débat et de lui offrir d'autres perspectives, chaque panel se concluant par une question posée au public et à laquelle il pouvait réagir directement par SMS ou tweet (#QualDev14), pour plus d'interactivité. Des expériences diverses, il ressort un même besoin de se remettre en question, d'être plus à l'écoute de ses clients, bref, de mieux faire.
La gestion de la qualité , un équilibre à trouver
Si la plus grande partie de l'auditoire s'accorde sur la nécessité de formaliser la démarche qualité, certains se questionnent sur le danger de trop se centrer sur son propre fonctionnement, au détriment d'une redevabilité mutuelle. Les questionnaires de satisfaction des clients, s'ils ne sont pas encore pratique courante dans les organisations présentes, ont permis à Solidarité Socialiste et SOS Faim d'améliorer leurs relations avec leurs partenaires. Mais certains s'interrogent sur l'utilité de telles enquêtes dans la mesure où souvent, les évaluations ne sont pas suffisamment prises en compte pour changer. Sarah Mistry de Bond UK se demande si la démarche EFQM peut encore fonctionner quand il est question de transformer son organisation, de la repenser radicalement, dans un contexte où le rôle des ONG du Nord doit évoluer. Elle s'interroge aussi sur la voix des bénéficiaires : est-elle suffisamment entendue ? Cette préoccupation en rejoint une autre présente dans l'auditoire : où sont « les gens » dans EFQM ?
Rapport qualité-prix versus flexibilité
On le comprend, la voie vers l'excellence pose des questions. Le fameux « rapport qualité-prix » qui revient de plus en plus souvent dans les discours des décideurs est-il compatible avec la flexibilité que requièrent les interventions dans le Sud ? Les organisations se lancent dans des démarches d'amélioration pour proposer des produits ou des services plus efficients et montrer les résultats atteints. Pourtant, dans les contextes très complexes où elles opèrent parfois (la RDC en est un exemple), quelle est la valeur de ce critère ? Comment rester flexible dans une démarche qualité ? Et comment faire en sorte que tous les échelons de la chaîne (organisations du Nord – partenaires du Sud) s'approprient la même démarche ? Le débat est ouvert.
Rester pragmatique
Dans sa conclusion, Carl Michiels (CTB) partage l'expérience de l'Agence belge de développement qui a entamé son parcours Qualité il y a plus de sept ans. CAF, EFQM, ISO, peu importe le cadre, l'important est la démarche. Et pour faire en sorte que tous les collaborateurs d'une organisation y adhèrent et que la qualité vive en interne, il ne faut pas être dogmatique. Dans le monde actuel de la coopération au développement, en phase de changement fondamental, qui voit l'apparition de nouveaux acteurs compétitifs, seule la qualité fera la différence. Et les organisations qui adopteront une approche pragmatique, conforme à leurs besoins , seront les mieux positionnées.