En juin 2005, la Direction de Solvay lançait officiellement le projet 3S. L’objectif? Rassembler en un seul centre de services la partie transactionnelle de processus financiers et de ressources humaines. La motivation? Renforcer la compétitivité du Groupe par une réduction des coûts (au moins 20%) et une amélioration de la qualité des processus transactionnels jusqu’ici fragmentés et éparpillés dans les différents pays.
L’idée était séduisante, mais le défi considérable ! Pour 60 sites, dans 11 pays européens et 125 entités juridiques, il fallait définir chaque processus lié à la comptabilité et à la paye, le comprendre, l’améliorer bien souvent, le transférer en tout ou en partie… Constituer une nouvelle équipe à Lisbonne, la former, installer un nouvel outil informatique … Mais aussi, gérer les équipes nationales à qui on demandait de se défaire d’une partie ou de l’ensemble de leur activité ! Le projet 3S (pour «Solvay Shared Services») allait s’étaler sur trois années.
Par Nicolas De Dobbeleer, Shape-3S Project Management Office, Solvay, Bernadette Hislaire, Business Process Improvement Manager, Solvay, adapté d’un article de ‘Solvay Live’ – n° 253
Un projet multiple
L’objectif du projet était de mettre en place des processus optimisés, standardisés et automatisés pour diverses opérations financières et de ressources humaines.
Aujourd’hui, les transactions liées à ces processus sont assurées par un centre de services localisé à Lisbonne: 3S enterprise (3Se). Ce Business Support Center gère les transactions des sociétés du groupe Solvay, dans 11 pays européens pour les secteurs Chimie et Plastiques et mondialement pour le secteur Pharmaceutique.
Les chiffres consolidés donnent une image des ambitions et des moyens. En 3 ans, de 2005 à 2007, - 150 personnes ont contribué au programme, la plupart en assurant leur activité principale en parallèle; - elles représentaient de 30 à 60 équivalents temps plein, selon les phases du programme - et ont presté ensemble de l’ordre de 25 000 jours/homme
Un programme structuré
En fait, évoquer le projet Shape-3S est un abus de langage; c’est plutôt d’un programme regroupant 6 projets dont il s’agit puisque chaque processus a fait l’objet d’un projet propre.
L’organisation du programme fit l’objet de toutes les attentions. Une équipe fut chargée de l’étude et de la mise en oeuvre du Centre de Services Partagés (aujourd’hui 3Se). Une autre équipe, Shape-3S, fut chargée du design et de la transition entre les processus existants et les processus redéfinis. Cette seconde équipe assumait également toutes les questions relatives à l’informatique. C’est l’expérience que l’équipe Shape-3S a acquise à cette occasion en matière de gestion de projets qui est au coeur de notre sujet.
Dirigée par Christian Trochet, Shape-3S s’est structurée autour de cinq projets «Finance» (‘Clôture Comptable’, ‘Comptes Clients’, ‘Comptes Fournisseurs,’ ‘Trésorerie’ et ‘Notes de Frais’) et d’un projet «HR» (‘Feuille de Paye’).
Chacun de ces projets était géré sous la houlette d’un process leader (le chef de projet) qui rapportait à un leader Finance ou RH, assurant la cohérence entre les processus. Et dans l’équipe Shape-3S, trois autres fonctions transversales couvraient l’informatique, la gestion du changement et la coordination des projets (Project Management Office ou PMO). Le programme voit ses objectifs fixés et revus par un comité d’orientation (Steering Committee) constitué des ‘process owners’, de représentants des Business et du Manager de la société de services nouvellement créée 3Se.
Avant le lancement opérationnel de chaque projet-processus, le responsable du processus au sein de 3Se doit en accepter formellement les réalisations : description du processus, application informatique et services connexes, notamment la formation.
Lorsque les nouvelles procédures impliquent à la fois 3Se et un ou plusieurs responsables répartis dans les entités locales, une enquête de satisfaction est menée et des plans d’amélioration peuvent être mis en place en fonction des résultats récoltés.
Qu’est-ce que le PMO?
En principe, un Project Management Office trouve place dans de grands projets, composés eux-mêmes de différents sous-projets. Le PMO est spécifiquement concentré sur le management, l’organisation et la coordination. Il peut également être créé comme une fonction permanente dans une grande entreprise, hors du contexte de lancement d’un projet défini. Une grande entreprise entretient toujours des projets et peut considérer qu’un centre d’excellence dans le domaine de leur gestion recèle une valeur ajoutée qui justifie la création d’un PMO.
Le PMO est entre les mains d’un gestionnaire de projets professionnel. Son rôle est de soutenir les chefs de projets quant aux méthodes, par exemple par l’adoption de normes communes, de standards ou de gabarits communs. Christian Trochet : «Pour assumer le leadership d’un projet, on a le réflexe bien naturel de recourir à une personne compétente dans le domaine en question. Les chefs de projets sont d’excellents professionnels dans leur domaine de compétence. Par contre, il y a une compétence dans laquelle ils sont moins réguliers, c’est la compétence de chef de projet! Car il s’agit d’un véritable métier, ce dont tout le monde n’est pas encore conscient.»
Les avantages du PMO
Dans le cas de Shape-3S, l’adjonction d’une fonction de PMO fut décidée dès le départ et fut confiée à Nicolas De Dobbeleer : «Notre mission est spécifiquement centrée sur la gestion de projets en tant que telle. Nous sommes donc attentifs à la méthodologie, au respect de certains outils ou procédures, au reporting. Adopter des méthodes communes engendre un gain de temps, une garantie de communication entre les projets, un vecteur de culture partagée. A terme, cela réduit le coût de gestion des projets et en augmente l’efficacité. Mais c’est aussi dans un premier temps une exigence qui peut être perçue comme lourde…»
Pourtant, le PMO offre bien des avantages. Il permet par exemple de structurer des informations venant de différents plannings. Son outil informatique – MS Project server, adapté pour les besoins de Solvay- peut extraire des données réparties entre les différents projets et en produire des schémas très visuels (‘Rapport d’activité’ et ‘Tableau de Bord’). Ceux-ci révèlent d’un coup d’oeil la santé du projet et la maturité de ses différentes composantes afin de prendre de la hauteur et de disposer d’une vision d’ensemble. Christian Trochet: «Avec le Tableau de Bord, on voit sans complaisance où sont les points faibles, que l’on pourrait facilement passer sous silence sans cet outil. La gestion d’un projet est une tâche passionnante et absorbante mais le nombre de problèmes à traiter simultanément est parfois tel que certains ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent.»
Nicolas De Dobbeleer: «Même si l’outil utilisé par le PMO était nouveau, lorsque nous le leur avons présenté, plusieurs chefs de projet ont reconnu qu’ils pouvaient rapidement bénéficier des avantages de cette approche, moyennant une formation et/ou un support approprié.»
Un rôle de révélateur
Dans une gestion de projets, la principale difficulté consiste à détecter en temps utile les faiblesses, retards ou problèmes nouveaux mais aussi à disposer d’informations suffisamment claires, valides et partageables pour prendre la décision qui s’impose. «Ce qui est remarquable dans les outils de reporting du PMO», continue Christian Trochet, «c’est que la plupart des points d’attention qu’il révèle sont connus des chefs de projets. Mais dans le feu de l’action ou de la discussion, on peut parfois les laisser de côté et repousser une décision nécessaire. La clarté et la simplicité avec laquelle l’outil indique les points d’attention du projet imposent d’affronter la situation. Et dans ce sens, le PMO est certainement précieux.»
Dans le cadre du projet Shape-3S, le PMO a beaucoup insisté aussi sur l’importance de partager la documentation complète sur les processus qui allaient être transférés à Lisbonne. «Aujourd’hui sur le TeamSite (*), plusieurs centaines de procédures sont précisément décrites et disponibles. C’est une richesse considérable par rapport à la situation précédente», souligne Nicolas De Dobbeleer.
Suivre les hommes et les ressources
Le PMO inclut une solide gestion des ressources humaines impliquées dans un projet. Beaucoup de projets démarrent sans avoir une vue précise des disponibilités de l’organisation en matière de ressources et les personnes peuvent dès lors se trouver simultanément assignées à trop de projets et perdre leur efficacité. Le PMO permet de consolider les ressources demandées par tous les projets et de gérer les priorités avec la vue d’ensemble nécessaire.
Le suivi économique d’un projet est essentiel pour être capable de s’adapter en cas de modification de l’environnement. Le projet est-il toujours valide? Les critères de rentabilité révèlent-ils toujours sa pertinence? Par rapport aux bénéfices attendus, les coûts sont-ils toujours en ligne? La réalisation d’un projet prenant du temps, il est nécessaire de garder un oeil sur ses objectifs pour voir s’ils sont toujours adéquats. Assurer cette mission est aussi un des rôles du PMO.
Les mêmes outils de reporting et de suivi sont utilisés pour chacun des projets, et une consolidation en grandes lignes est établie. A cet effet, le principe de «Earned Value» est utilisé pour comparer en coût et en temps le réel au planifié. Chaque mois, le chef de projet collecte (ou estime) le temps passé sur le projet par la majorité des intervenants. On peut alors assurer périodiquement (chaque semestre) le suivi économique du programme en comparant la prévision revue aux estimations du début de projet, en tenant compte également des transferts entre les entités locales et la montée en charge dans 3Se.
Afin de garantir une connaissance suffisante de chaque projet, le Project Management Officer participe aux comités d’orientation comme observateur. Après avoir été vérifié avec les chefs de projet, le Tableau de Bord est discuté avec le Program Manager afin de jeter un regard objectif sur la santé de chaque projet et d’attirer l’attention sur les sujets non traités.
Une pratique à étendre
Christian Trochet conclut: «A l’heure actuelle et avec un certain recul sur le projet Shape-3S, nous pouvons dire que nous avons beaucoup appris du PMO. Nous pensons avoir acquis une expérience en gestion de projets. Cette compétence que partagent d’ailleurs quelques autres départements dans le Groupe peut être valorisée. Hors du département informatique qui, par nature, a une connaissance approfondie de la gestion de projets, cette compétence mériterait probablement d’être fédérée et développée chez Solvay. Aux USA, les grandes entreprises ont admis cette idée de s’équiper d’un service PMO. Ce n’est pas encore le cas en Europe. C’est sans doute en route…»
L’approche originale qui a conduit à la création de 3Se lui permet de développer une solide proposition de valeur. Cette proposition prend appui sur l’efficacité des Processus et sur la maîtrise des coûts afin de fournir aux entités européennes de Solvay (et mondialement pour le secteur pharmaceutique) des services financiers et HR de qualité. Et ce sur une base contractuelle, à des prix compétitifs et aux niveaux de qualité convenus.